forge
En 1982, je découvre la forge et achète ma première enclume. En 1985, je me rends à Thiers pour y apprendre l’art de la forge. J’y rencontre Henri Vialon, j’aurais la chance et l’honneur d’être son premier élève. il m’initie à la réalisation des lames en Damas.
Je vais produire et vendre mes couteaux jusque dans le courant des années 2000. Présent sur de nombreux salons, je participe à des stages de formation. Ma technique évolue vers la sculpture et je me rends à de nombreux symposiums de forge en Allemagne, Tchéquie, Italie.
En 2003, je décide à mon tour d’organiser une rencontre dans le sud de la France et crée “Les Maîtres de forge”.
Durant quatre années, je vais réunir d’abord à Gourdon puis à Valbonne quarante forgerons venus de toute l’Europe. Plus de 200 enfants pourront s’initier à la forge durant ces rencontres.
Après un séjour à Marseille, je réorganise ma forge : plus de pilon électro compressé mais un très vieux martinet du début du 20e siècle, et même chose pour la forge.
La fabrication de clous de charpente
Forge de clous et plus particulièrement de clous de charpente
Depuis les débuts de la métallurgie les clous ont toujours tenu une place à part tout au long de notre histoire. Il servait des éléments de liaison bien avant l'apparition de la vis, quoiqu’en dise Archimède. Lorsque l'homme a commencé à domestiquer les chevaux et les a domestiqués pour les monter, il s'est très rapidement aperçu que leurs sabots étaient fragiles. Le Clou a permis de fixer le fer à cheval sur la corne du sabot mais présentait aussi l'avantage de pouvoir s'enlever au fur et à mesure de la croissance de ce dernier. Aujourd’hui encore, 2000 ans après, les sabots de nos chevaux de course et de balade sont fixés de cette manière. Le fer à cheval a permis en protégeant le sabot d'aller plus vite et plus loin. C'était primordial dans la découverte de nouveaux territoires mais aussi durant les guerres de conquête.
On a toujours pensé que lors de leurs guerres d’invasion les Romains se déplaçaient avec leurs machines de guerre, or les archéologues se sont aperçus lors de fouilles en Angleterre qu’il n'en était rien, les Romains se déplaçaient avec de grandes quantités de clous et utilisaient le bois qu’ils coupaient sur place. Il était en effet bien plus simple à un charpentier de fabriquer les machines devant les villes qu’ils assiégeaient plutôt que de les transporter sur des centaines de kilomètres.
Pour la navigation aussi, l'arrivée du clou fut une véritable révolution technique. Les premières embarcations qu’elles soient de cuir ou de bois étaient assemblées à l’aide de cordes en fibres végétales tressées ou dans le meilleur des cas avec des tendons de provenance animal. Le clou a permis un assemblage bien plus solide et il a été possible de fabriquer des embarcations de plus en plus grandes et comme pour le cheval, ces navires permirent la découverte de nouveaux horizons.
Une petite anecdote sur le clou :
Lors des guerres napoléoniennes les armées utilisaient l’artillerie lourde pour attaquer ou se défendre. "Lourde" n'était pas une vue de l'esprit. Les canons étaient bien souvent de fer ou de bronze, extrêmement pesants, et difficile à déplacer. Lors d'une attaque il n'était pas rare que l'un des camps recule sous la pression ennemie en abandonnant sur place les pièces d'artillerie. Il fallait donc pour l'assaillant soit de s'emparer des canons soit de les saboter pour qu'ils deviennent inutilisables. À la bataille de Trafalgar les Français traversèrent les lignes ennemies qui contre attaquèrent et les décimèrent sous un feu d'artillerie nourri. La bataille fut perdue parce que les soldats avaient oublié d'emporter dans leur fontes les clous de bronze qui leur servait à rendre inopérants les canons ennemis. En effet, il suffisait d’enfoncer avec un marteau un clou de bronze dans la lumière (trou permettant la mise à feu de la poudre) du canon pour qu’il devienne inopérant pendant plusieurs heures. Un petit détail qui eut d’immenses répercussions.
Je ne vais pas faire l’énumération de tout ce qu’il est possible de fixer avec un clou, ce serait trop long…
…mais je vais finir ce petit chapitre par un des plus importants : le clou de charpente.
Comme pour les navires, l'apparition des clous dans l’architecture a permis des réalisations de plus en plus solides et de plus en plus imposantes. De la plus humble des maisons au plus grand du château on retrouve cet élément de liaison dans toutes les charpentes jusqu’au début du 20e siècle.
Ces clous était fabriqués à la demande, de quelques centimètres de long à plusieurs dizaines de centimètres pour les plus grands.
il était souvent replié sur la partie arrière comme une agrafe moderne ce qui augmentait son efficacité.
Dans le cadre de portes ou de coffres, les têtes de clous servaient aussi de protection contre une possible effraction, certains étant même marqués aux initiales de l’acheteur.
Pour la fabrication des clous quel que soit l'époque on a toujours utilisé la même technique à savoir une cloutière à main ou une cloutière sur masse de fonte
Évidemment cela représentait une partie de la production des forgerons mais l'immense majorité des clous étaient fabriquée dans nos campagnes par les paysans lors de la saison d'hiver. Ils possédaient des forges à petit foyer certaines étant même actionnées par un chien tournant dans une cage à écureuil (système existant en France depuis le Moyen-Âge)
le métal de base leur était fourni par des marchands itinérants à la fin de l’été, ceux-ci récupérant les clous à la fin de la saison d'hiver. Le métal se présentait sous forme d'une bobine que l'ouvrier déroulait au fur à mesure et transformait en clou. J'ai eu la chance de récupérer ma cloutière dans les Pyrénées, au fil du temps ses outils ont disparu mais la Cloutière, bloc de fonte circulaire d'une petite centaine de kilos a souvent été recyclée en contrepoids pour les tracteurs modernes de nos paysans, ce qui leur a évité de finir à la ferraille. Il m'a fallu re-fabriquer la petite enclume, la tranche et la cloutière qui était fixée dessus.
Les clous de charpente que je vais fabriquer vont servir de liaison pour des bastaings de 7 cm. Ils ont donc une longueur d'environ une vingtaine de centimètres. Je vais utiliser du rond de 16 et forger la pointe au martinet puis le trancher et forger la tête sur mon étau de forge. Cet étau est prévu pour cet usage,
il possède deux pieds et pèse environ une centaine de kilos. Je l'ai fixé sur un dé en béton mobile ce qui me permet de le déplacer dans la forge, l’ensemble fait à peu près 200 kg. Les mors mesure 200 mm Il en existe de 130 et 140 kg avec des mors allant jusqu'à 300 mm
Pour les clous de taille normale je vais utiliser une cloutière traditionnelle. Elle est constituée d'un billot de chêne sur lequel est posé un tas en fonte d'environ 100 kg. Sur ce tas sont positionnés plusieurs outils, une enclume dans laquelle vient se fixer la cloutière, une pièce de métal qui supporte l'extrémité de la Cloutière et sert aussi à replier le Clou et une tranche.
Pour une fois, on place plusieurs fers au feu, les opérations vont s'enchaîner rapidement, il est important de préparer un petit foyer qui sera alimenté en permanence. La première étape consiste à forger la pointe sur le sommet de l’enclume,
puis on tranche presque complètement le Clou, que l’on remet dans le feu pointe vers le haut.
Une fois chaud, on sort le Clou et on le positionne dans la Cloutière, d'un mouvement de torsion on enlève la tige et l’on forge la tête. On prend une seconde tige et l'on recommence l'opération. À ce moment-là le premier clou a refroidi, c'est contracté et peut-être sorti de la cloutière.
Avec l'habitude on enchaîne les deux opérations très rapidement et sans aucune perte de temps. Plus que 10.000 à fabriquer …
Cela ne vaut pas un clou, c’est le clou de la soirée, lui river son clou, cloué au piloris, traversé dans les clous… que d’expressions qui figurent bien l’importance du clou dans notre vie de tous les jours, du moins jusqu’à l’arrivée de la vis et des visseuses dans les années 80. Dernière petite anecdote liée à mon travail : durant la dernière guerre mondiale le cinéma était déclaré indispensable à la nation pour maintenir le moral des civils et surtout aussi à des fins de propagande. Comme tous les matériaux manquaient plusieurs ouvriers ont été engagés à la menuiserie de la Victorine pour redresser les clous usagés provenant de vieux décors afin de les réutiliser. Cela leurs a évité de partir faire du « tourisme forcé » en Germany.
Sculpture “les élèves” par Didier Pouzol,
réalisée avec des clous de charpente.
lames & couteaux
Court texte d’introduction